NADEGE BERAUD KAUFFMANN

HISTOIRE

Marcel Paul Maret : une vie marquée par la guerre

Lors de la Grande Guerre la famille du petit Marcel Paul Maret est frappée de plein fouet par la mort du père au combat. Désormais pupille de la Nation, animé d’un idéal pacifiste, il est enrôlé à son tour dans le Second conflit mondial et est fait prisonnier de guerre en mai 1940. Cinq longues années de captivité plus tard il revient vivant du Stalag mais il gardera de lourdes séquelles physiques et morales.

 

 

Marcel Paul, orphelin de guerre et pupille de la Nation*

Marcel Paul Maret est né le vingt-et-un août 1913 dans un quartier populaire de Lyon, au 25, rue Corne de Cerf – actuelle rue Maurice Flandin dans le 3e arrondissement. Il est le petit dernier d’une fratrie qui compte déjà une fille Jeanne, née en 1901 à Lyon et reconnue comme légitime en 1908 à l’occasion du mariage de leurs parents, et un autre garçon François Henri, qui a vu le jour à l’Hôpital de la Charité de Lyon le 29 mai 1909. Son père Henri, malgré ses trente-huit ans, est mobilisé. Blessé au combat dans la Somme il meurt pour la France fin octobre 1914, laissant sa femme Marie-Léonie Lioneton veuve avec trois orphelins : Jeanne treize ans, François Henri cinq ans et Marcel Paul un an.

La famille, modeste, doit encaisser le coup. La veuve Maret se remarie en 1916. Marcel, de même que son frère aîné, est reconnu pupille de la Nation en 1920 et c’est donc l’État français qui va subvenir à ses frais d’éducation et de formation jusqu’à sa majorité. À cause de la crise des années 1930 la France vient en aide à ses pupilles au-delà de l’âge prévu à l’origine. Bientôt des emplois leur sont réservés au sein d’entreprises nationales, comme par exemple à la Société Nationale des Chemins de Fer Français (S.N.C.F.). Marcel qui était chauffeur d’autos devient mécanicien à la S.N.C.F.

 

L’engagement communiste au nom d’un idéal

L’idéal pacifiste du « Plus jamais ça ! » grandit dans le cœur de nombreux Français et notamment dans celui des pupilles.  Des années de difficultés matérielles et l’impact psychologique de cette véritable boucherie qu’a été la Grande Guerre ont marqué ces jeunes gens au fer rouge. Certains partiront pourtant au front au nom de ce même idéal : dès 1936 ils s’engagent dans les brigades internationales en Espagne afin de lutter contre le fascisme. D’autres choisissent le militantisme et prennent leur carte au Parti communiste, ce que fera Marcel Maret, comme son frère, au début des années 1930.

 

 

*voir sur ce site l’article sur François Henri Maret, le frère aîné de Marcel-Paul « François Henri Maret, orphelin de la guerre de 14-18 et pupille de la Nation » 

Un air de famille. Photos d’identité des deux frères Maret ; à gauche François Henri et à droite Marcel Paul : « Yeux bleus, cheveux foncés, 1,67m » selon la description de son livret militaire.

Classe 1933

Né en 1913 Marcel fait partie de la classe 1933. Il part pour le service militaire en 1934. Le 20 octobre, selon la formule consacrée, il « arrive au corps » et intègre le 1er Régiment d’Artillerie à tracteurs. Il va ainsi manquer le mariage de son frère célébré le 27 avril 1935. Il rentre le 12 octobre 1935 après avoir dûment rempli ses obligations militaires durant une année et obtenu son certificat de bonne conduite. Il reste disponible et peut donc être rappelé sous les drapeaux si besoin. Entre le 5 et le 18 décembre 1937 il effectue une période complémentaire d’exercices militaires au Camp militaire de Mailly, qui s’étend sur les actuels départements de l’Aube et de la Marne dans le Grand Est.

Cartes postales : des hommes du Camp de Mailly, période d’exercices militaires, 1937

A la veille de la guerre Marcel est encore célibataire. Au moins ne risque-t-il pas de voir l’histoire se répéter et de laisser une veuve et des orphelins derrière lui au cas où les choses tourneraient mal…

 

 

Encore la guerre, puis la prison

Marcel est mobilisé le 23 août 1939 deux jours seulement après avoir fêté ses vingt-six ans. Affecté dans un premier temps au 15e Régiment d’Artillerie Divisionnaire (RAD) puis au 201e RAD le 2 septembre, le 2e classe Maret matricule de recrutement 5837 se retrouve quelques mois plus tard au beau milieu de la Bataille de Lille qui fait rage dès le 25 mai 1940. Les troupes françaises résistent héroïquement dans cette poche et permettent le repli de plusieurs divisions mobiles vers Dunkerque. Mais les défenses craquent et la reddition belge face aux Allemands le 28 accélère les choses. Marcel est fait prisonnier à Lille le 29 mai 1940. Ses compagnons d’arme de l’armée française et du Corps Expéditionnaire Britannique tiennent bon jusqu’au surlendemain quand l’armée allemande réussit finalement à encercler la ville. Dans ses mémoires Churchill estime que les défenseurs de Lille ont permis de faire gagner cinq jours à l’Opération Dynamo.

Envoyé dans un camp du Reich Marcel est interné au Stalag X B situé dans le nord-ouest de l’Allemagne, numéro matricule 13593 XB : le 10 février 1941, d’après la liste de prisonniers officielle n°73, il se trouve en effet à Sandbostel en Basse-Saxe. Il sera ensuite envoyé au Stalag X A.

Photos de Marcel Paul Maret au Stalag X B qui ont été envoyées à sa mère. Celle de gauche est datée du 3 octobre 1942. Âgé d’environ trente ans, son visage paraît vieilli et usé par plus de deux années de captivité. Au verso figure le tampon du Stalag X A.

Extrait du livret individuel de Marcel Paul Maret retraçant son parcours militaire

Le Stalag X A dans lequel il est interné dans un second temps se trouve à Schleswig au nord de Hambourg, près de la frontière danoise. Il est affecté au AK 301 - Kommando agricole n°301 : les kommandos sont des groupes de travail gérées par le Stalag mais qui se trouvent à l’extérieur des camps. Les prisonniers sont accompagnés en permanence par des gardes qui vivent auprès d’eux. C’est ainsi que Marcel est affecté aux travaux d’une ferme du secteur. Les conditions de vie sont peut-être meilleures qu’au sein même du camp - où la surpopulation, le typhus, le manque de confort dans les baraquements et le manque de nourriture sévissent - mais restent rudimentaires. Ils sont nombreux ces prisonniers à avoir témoigné dans leurs mémoires des conditions affreuses de leur captivité. A cela s’ajoute la tristesse d’être éloigné de sa famille, peut-être même un sentiment de culpabilité, celui de ne pas s’être suffisamment battu et l’humiliation de la défaite puis de l’internement. Afin de permettre le maintien d’un lien entre les prisonniers de guerre et la France un secrétariat est mis en place dans chaque camp. Marcel ne laissera pas de témoignage écrit mais il se confiera oralement à sa future épouse et son état de santé ne sera jamais excellent par la suite.

 

Il est finalement rapatrié le 26 mai 1945 par les Anglais soit quasiment cinq ans jour pour jour après sa capture ! Il est officiellement démobilisé le 12 juillet 1945 par le centre de démobilisation de Sathonay (près de Lyon). Il peut enfin rentrer chez lui, 78 rue du Repos à Lyon où il retrouve sa mère, désormais veuve Bannier. Comme pour les autres anciens prisonniers de guerre le retour à la vie civile et la liberté retrouvée sont très compliqués à gérer. Maintenant âgé de trente-et-un-ans il reprend son travail de mécanicien à la S.N.C.F. mais il est très fatigué, le corps et l’âme marqués par des années de sévices et de privations. Des réseaux de soutien se tissent avec la création d’associations ou de groupes d’anciens prisonniers et d’anciens combattants qui aident ces soldats démobilisés à se réadapter à leur vie d’avant.

Marcel se marie le 29 juin 1950 à Lyon avec Marie-Louise Chavot, âgée comme lui de trente-sept ans. Ils n’auront pas d’enfant. Libéré de toute obligation militaire en 1964, il vit désormais avec son épouse au 73, route de Vénissieux dans le 8e arrondissement de Lyon, dans le même immeuble que son frère François, son épouse Berthe et leur fille Monique. Usé par sa longue captivité, de santé fragile, Marcel s’éteint le 30 octobre 1971 à l’âge de seulement cinquante-huit ans. Sa veuve, « Lili », âgée de bientôt 107 ans vit encore aujourd’hui. Son mari adoré continue lui aussi de vivre dans sa mémoire.

Avis officiel adressé à Marcel Paul Maret l’informant de la libération définitive de ses obligations militaire

Sources :

  • Documents familiaux : livret de famille, livret individuel, photographies, titre de libération définitive du service militaire
  • Archives départementales du Rhône

 

Bibliographie

Louis Althusser, « Journal de captivité, Stalag X A 1940-1945 »