NADEGE BERAUD KAUFFMANN

HISTOIRE

Joseph Martinet, imprimeur clandestin 

L'imprimerie comme arme de résistance

Qui connaît le parcours de Joseph et Marcelline Martinet pendant la Seconde Guerre mondiale ? Bien peu de monde, hélas ! Ils méritent pourtant qu’on leur rende hommage pour leur contribution à la Résistance. 
On ne retient aujourd’hui que quelques grands noms de personnalités qui ont certes joué un rôle majeur durant cette période troublée ; mais il ne faut pas oublier que derrière eux se cachaient des milliers d’anonymes qui à leurs risques et périls ont imprimé des documents illégaux, transporté des messages, des journaux, livré des colis, participé à la réception de matériel livré par des avions alliés, l’ont acheminé dans des caches, ont aidé des Personae non gratae à se cacher, hébergé des radiotéléphonistes ... Tous ont choisi de résister et ont œuvré plusieurs années durant au grand jour ou dans la clandestinité, malgré les dangers pour eux-mêmes mais aussi pour leur famille. Dans la région lyonnaise qui devient rapidement une plaque tournante de la Résistance, de nombreux imprimeurs ont aidé l’Armée de l’ombre à diffuser ses idées, à porter son message et à contrer la presse de propagande pro-allemande. 

Photographie de Joseph Martinet à la une du bulletin municipal de Feyzin « Feyzin notre ville » n°23, paru en juin 1986 quelques mois après sa mort.

Un modeste imprimeur
Joseph Martinet et Marcelline Vacher ont tous deux des origines familiales modestes. Elle est native de Feyzin, une commune située au sud de Lyon où demeurent ses parents, quartier des Razes et où elle vient au monde le 18 avril 1907. Son père Jean Vacher, trente-sept ans, est menuisier et sa mère Marie Michalon, trente-deux ans, est mère au foyer. 
Joseph Martinet quant à lui voit le jour au cœur du quartier populaire du vieux Lyon, le 13 mai 1903, dans le 5e arrondissement. Il est le fils de Fleury Martinet, trente-trois ans, vannier au 21 rue Saint-Georges et de Marie-Philomène Rostain, trente ans, ménagère. Il a un frère aîné, Claude-Louis, né le 10 février 1899 à Lyon lui aussi. Les parents de Joseph ont peut-être vécu un temps à Givors d’où est originaire la famille de son père. Après plusieurs années passées dans la capitale des Gaules ils partent s’installer à Feyzin, rue Thomas, où Joseph passe son enfance et où il rencontre Marcelline. Les jeunes gens se marient le 29 septembre 1928. Dans les années 1930 Joseph est salarié d’une imprimerie et il devient papa en 1935 d’une petite Collette. Il souhaite toutefois travailler pour son compte et le couple vient s’établir à Villeurbanne alors que la Seconde Guerre Mondiale a déjà éclaté. Il devient maître artisan imprimeur : son atelier est attenant à leur maison située au 5, rue Mozart, dans le modeste quartier du Tonkin à Villeurbanne. Son épouse Marcelline le soutient et l’aide chaque fois qu’elle le peut.  Malgré la guerre et les difficultés, la vie continue.

Acte de naissance de Joseph Martinet, Archives Municipales de Lyon, registre des naissances 1903, cote 2 E 1957 / Lyon 5e  

 

L’engagement résistant
Le régime de Vichy utilise beaucoup les affiches, les tracts et les journaux à des fins de propagande. La censure veille au grain, la liberté de la presse est fortement encadrée et limitée et les imprimeurs sont régulièrement visités. De plus le papier est rationné afin de mieux contrôler le nombre d’impressions effectuées. Dès 1941 des lois sont édictées afin de dissuader ceux qui seraient tentés de défier la machine collaborationniste : une loi du 8 juillet interdit « l’édition, la diffusion, par quelque moyen que ce soit, et la vente au public d’hymnes, de chants ou de poèmes d’inspiration communiste ou anarchiste ». Un Code des Otages élaboré en septembre précise que les otages seront choisis en priorité parmi « les personnes qui ont collaboré à la distribution de tracts ».
Au cours de cette même année 1941 la vie de Joseph Martinet va subitement basculer. Il est en effet sollicité par la résistante Bertie Albrecht qui cherche un moyen pour Henri Frenay, l’un des fondateurs du mouvement résistant Combat, d’imprimer en zone libre les journaux clandestins qui paraissent dans le nord de la France. Joseph accepte la tâche et travaille bientôt dans le plus grand secret à l’impression de plusieurs papiers, dont il améliore au passage la mise en page. Entre 1941 et 1944 les époux Martinet seront parmi les imprimeurs clandestins les plus actifs de la région. Conscients du danger qu’ils courent, ils éloignent bien vite leur fille et l’envoient à la campagne. 

 

 

L’imprimerie clandestine de la rue Mozart
Joseph Martinet poursuit son travail officiel d’imprimeur tout en consacrant du temps supplémentaire aux journaux clandestins. Au départ il assure l’impression des Petites Ailes de France en prélevant du papier sur son propre stock. Mais quand la matière première vient à manquer, il lui faut rapidement trouver des astuces pour tromper les autorités qui surveillent étroitement sa profession, capable d’imprimer aussi des faux papiers. Comme il doit justifier ses commandes, il surévalue légèrement ses prévisions et peut ainsi consacrer discrètement une petite partie du papier à son activité illicite. Le recours au marché noir permet de compléter les besoins et bientôt, les avions anglais de la Royal Air Force larguent parmi le matériel destiné aux résistants du papier et de l’encre pour aider à la fabrication de ces feuilles clandestines. 
En 1941 une véritable équipe 
dotée d’une solide organisation se forme autour de l’imprimerie de la rue Mozart, : le résistant André Bollier dit « Vélin », ancien élève de Polytechnique qui s’occupait auparavant de la distribution des Petites Ailes de France, prend en main l'organisation de la production du journal. Il installe un bureau rue du Tonkin et recrute du personnel parmi les partisans : une certaine Lucienne d’abord, puis Paul Jaillet et Francisque Vacher, des typo-graveurs du journal le Progrès de Lyon. En 1941, 3000 puis 6000 exemplaires des Petites Ailes de France – peut-être même 20 000 – furent imprimés rue Mozart. Vélin continue de gérer l’équipe pour le journal rebaptisé Vérités en zone sud en août 1941, puis Combat fin 1941. Il ne s’agit plus seulement de simples feuilles clandestines mais bien d’un véritable journal composé d’une mise en page soignée et agrémentée de clichés et d’enluminures. Leur travail permet aussi le tirage de Libération,  Francs-Tireurs, Le Courrier du témoignage chrétien et l’Insurgé

Le tirage augmentant, le transport et la distribution deviennent de plus en plus difficiles et de fait de plus en plus risqués. Chaque préposé au transport est affecté à un secteur spécifique : il y a par exemple une personne dédiée à l’acheminement pour Lyon-Brotteaux. Des colis sont expédiés sous des noms d’emprunt de chanoines ou de libraires pour éviter en cas de contrôle de pouvoir remonter jusqu’à l’imprimerie clandestine. Les numéros de l’Insurgé, journal rédigé par quelques ouvriers du PS, et ceux de Libération sont transportés par l’un des auteurs, un certain Marie-Gabriel Fugère, dans une remorque, camouflés sous des légumes. Combat est tiré sur deux feuillets. Certains numéros commandés par l’imprimerie Hassler sont emmenés jusqu’à Villefranche-sur-Saône, à une trentaine de kilomètres au nord de Lyon. 
Un jour de 1942, alors que Combat a été achevé d’imprimer et tout juste distribué, la police investit la petite maison et l’atelier des Martinet. Joseph est emmené pour interrogatoire, soupçonné – à juste titre ! – d’avoir réalisé l’impression d’un journal clandestin. Entre-temps, et alors que les agents sont en train de fouiller les lieux, sa femme Marcelline réussit à faire disparaître des écrits subversifs qu’il avait lui-même rédigés et qui se trouvaient au fond du tiroir d’un meuble de cuisine. Et il ne reste aucune trace de Combat, encore sous presse quelques jours plus tôt seulement. Les époux Martinet ont eu finalement plus de peur que de mal : Joseph est libéré faute de preuve, mais la plus grande prudence reste de mise. En novembre 1942 les Allemands envahissent la zone libre et la menace envers la Résistance et les imprimeurs clandestins en particulier augmente encore d’un cran. Klaus Barbie est envoyé à Lyon peu après et son zèle conduit aux arrestations en série de l’été 1943, dont celle de Jean Moulin. Les imprimeurs de l’ombre font partie des hommes traqués sans relâche par le « boucher de Lyon », par la Gestapo et bientôt également par la Milice.

Mais il en faudrait davantage pour arrêter les époux Martinet. La petite maison-atelier de la rue Mozart, dont Joseph dit lui-même qu’elle est « le refuge de tous (les) proscrits », est bientôt trop petite pour assurer correctement les tirages clandestins en constante augmentation. Il faut agrandir l’affaire.

 

 

La maison – imprimerie des Gorges de Crémieu, Eté 1943
Vélin imagine un procédé de photogravure pour pouvoir composer le journal à un endroit puis le faire imprimer dans un ou plusieurs autres lieux. Il réfléchit à l’aménagement d’une grande imprimerie clandestine et à l’été 1943, obtient des fonds de la Résistance afin de louer une grande maison à Crémieu où un atelier est installé. L’endroit, situé au-dessus des Gorges et accessible par un chemin escarpé et isolé, est plus que discret. Au premier étage Martinet et lui installent une cuisine et une chambre. Au-dessous se trouve la cave, transformée en atelier avec une machine à imprimer que Joseph trouve « préhistorique » mais qui assurera tout de même le travail demandé. Bien qu’à l’écart des autres habitations, l’imprimerie n’est pas à l’abri de tous les dangers : l’ennemi est partout et des patrouilles allemandes rôdent bientôt dans le secteur. Ce qui n’empêche pas Martinet vaille que vaille de poursuivre son travail. En plus des commandes d’impressions légales qu’il satisfait, il se rend à Crémieux une à deux fois par mois pendant trois jours d’affilée durant lesquels il s’enferme et travaille uniquement à l’impression des feuilles clandestines. Il emmène juste ce qu’il lui faut pour se nourrir et ne prend que de très courtes pauses. À la fin de chacun de ses séjours, le matin très tôt, la voiture conduite par « Dédé » monte le chemin jusqu’à la maison et charge les impressions. Le « dangereux charroi » comme Joseph le nomme, rentre ensuite à Lyon avec sa cargaison clandestine. La Gestapo finit par trouver la maison-imprimerie qui est alors détruite ; mais l’équipe de la rue Mozart lui file encore entre les doigts car la maison de Crémieu a déjà été abandonnée au profit d’un atelier d’impression rue Viala, dans le troisième arrondissement de Lyon, près de l’Hôpital de Grange-Blanche. 

 

 

L’imprimerie rue Viala, fin 1943
Fin 1943, de nombreux imprimeurs se font arrêter et Joseph Martinet est encore plus sollicité pour les impressions clandestines. Sous l’impulsion de Vélin, l’équipe décide d’installer une grande imprimerie rue Viala, dotée d’une presse à pédale Minerve.
 

Presse à pédale Minerve, représentation tirée du site www.imprimerie.Lyon.fr.

Pour la petite histoire, André Bollier est allé lui-même chercher la machine Minerve – une presse professionnelle de plusieurs tonnes - à Grenoble, qu’il a démonté puis remonté à Lyon.

Les collaborateurs de Vélin et Martinet sont Dédé Chatain le chauffeur, Lucienne, Lucien Gross le mécanicien, Philippe le courrier, Roux et Freddy les rédacteurs, Rey dit « Arthur le typo » entre autres. Jaillet est toujours de la partie. Joseph Martinet se met en quatre pour conserver son atelier d’imprimerie dans sa maison rue Mozart à Villeurbanne tout en supervisant le travail effectué rue Viala. Les locaux se présentent ainsi : « un premier bâtiment sur le devant de l’immeuble où furent installés les bureaux et la composition, une grande cour et le second bâtiment, hall assez vaste où nous allons situer dans un endroit le plus éloigné de la rue Gensoul, pour éviter les bruits insolites, la salle des machines. La plus grande presse fut achetée à Grenoble et montée par Vélin et l’équipe mais dans de meilleures conditions que celles qui présidèrent en le repaire de Crémieu. Après le montage, deux cloisons furent construites pour atténuer la sonorité du local ». 
Malgré ces précautions l’activité demeure risquée. Joseph est inquiet car plusieurs voitures volées stationnent devant le bâtiment et les allers et venues risquent d’éveiller les soupçons. Pour couronner le tout Vélin a trouvé un stratagème qui pourrait attirer l’attention : il fait donner un statut de société à l’imprimerie de la rue Viala qui reçoit désormais des subventions. Une fois, l’équipe d’imprimeurs est plus que surprise de voir le papier livré par les Allemands eux-mêmes ! Enfin au début 1944, tout près de l’imprimerie avenue Rockfeller, un corps franc a attaqué un convoi allemand. Ce jour-là, l’équipe de Martinet a évacué tout en surveillant discrètement le local. Mais les voisins dont certains sont sympathisants de la Milice ont bien dû se rendre compte que l’équipe d’industriels de la rue Viala essaie d’éviter les Allemands. La catastrophe plus ou moins attendue survient le 17 juin 1944. La Gestapo et les miliciens investissent subitement les lieux. Vélin est tué alors qu’il tente de s’enfuir. Les typo-graveurs Jaillet et Vacher sont fusillés sur place parce qu’ils refusent de parler. Lucienne Guézennec, collaboratrice, est blessée. Joseph Martinet qui s’est absenté revient alors que la Gestapo se trouve encore là. Il s’enfuit. Il échappe encore aux agents et à une mort certaine, ce qui lui vaudra le surnom de « Typo rescapé ». L’imprimerie est saccagée et incendiée. Lyon sera libérée deux mois et demi après seulement.

 

 

L’amertume d’un « résistant de seconde classe » et « résistant de base »
Joseph Martinet reconnaît que plusieurs de ses collaborateurs, dont quelques femmes, ont pris d’énormes risques. Certaines se sont fait arrêtées mais n’ont jamais parlé. L’imprimeur les mentionne dans son récit et tient à leur rendre hommage, ainsi qu’à tous les résistants morts, tués ou bien déportés par les autorités. 
Le 24 septembre 1974 l’imprimeur participe à la fameuse émission « Les Dossiers de l’écran » lors d’une séquence consacrée à « la presse et l’édition clandestine sous l’Occupation ». Henri Frenay, Maurice Schuman et Jean-Pierre Melville, l’auteur du « Silence de la mer », ouvrage écrit durant l’Occupation, sont également présents sur le plateau. L’imprimeur reproche aux dirigeants de la Résistance d’avoir fait prendre de trop grands risques à des jeunes, peu nombreux, dont beaucoup sont d’ailleurs morts depuis, qui plus est dans l’oubli. Il affirme avoir demandé à plusieurs reprises mais en vain la décentralisation de l’imprimerie de la rue Viala, qui n’opérait pas assez discrètement et était une structure trop grosse. Il les accuse d’avoir laissé notamment Bollier-Vélin se débrouiller tout seul, ce dernier s’exposant en allant acheter une machine Minerve à Grenoble, en trouvant une solution pour se procurer du papier, de l’électricité… Joseph leur en veut aussi d’avoir récupéré les honneurs, d’avoir accepté des postes de hauts fonctionnaires ou, pour certains, d’être entré au gouvernement pour l’argent et les décorations. Lui recevra des propositions qu’il n’acceptera jamais. Après la Libération, empli d’amertume, il retournera travailler dans sa petite imprimerie de la rue Mozart. 
Henri Frenay évoque la personnalité de l’imprimeur dans son ouvrage « La nuit finira » : il le décrit comme « un simple artisan de la bonne tradition ouvrière lyonnaise », « haïssant l’injustice, généreux, serviable, aimant la liberté plus que la vie » ; et il ajoute qu’« il fuira les honneurs, modestement, il rentrera dans l’ombre et continuera son métier ». 
L’action de Joseph Martinet entre 1941 et 1944 sera récompensée par la Médaille de la Résistance. 

 

 

Que sont devenus la maison et l’imprimerie de la rue Mozart ?
Lorsque la restructuration de l’ancien quartier du Tonkin commence à être évoquée, Joseph Martinet fonde un Comité de Défense du Tonkin. Il souhaite aider les nombreux artisans et d’ouvriers qui habitent le lieu et sont menacés d’expropriation. Peine perdue : la petite imprimerie est rasée, le quartier totalement rénové. En 1975 Joseph Martinet et son épouse partent vivre à Vaulx-en-Velin, au 104 avenue du 8 mai 1945, où il meurt le 9 janvier 1986. 

Suite à une délibération du conseil municipal de Feyzin en date du 20 juin 1987 et à l’initiative de Marie-Josèphe Sublet alors députée-maire de la commune, une impasse du quartier des Razes est baptisée du nom de Marceline et Joseph Martinet. Une « Résidence Joseph Martinet » est inaugurée le 19 avril 1990 à Villeurbanne, quartier du Tonkin. À l’initiative du Comité de défense du Tonkin et en hommage à son ancien président, une plaque commémorative est posée sur un des murs de l’immeuble pratiquement en face de l’ancien emplacement de la maison du « Typo rescapé » qui se trouvait à l'emplacement actuel du 1, rue Mozart. 

 

______________________________________________

Sources 
Archives Municipales de Lyon :
-  registre des naissances 1903, cote 2 E 1957 / Lyon 5e ,
- Dactylogramme de Combats dans l’ombre 1 II 374, 

Archives Départementales du Rhône :
- Table décennale mariages cote 4 E 14551 / Feyzin
- archives du Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale, Manuscrit original de Joseph Martinet, 31J B 24

Acte décès Joseph Martinet 9 janvier 1986, n°1986/2, Vaulx-en-Velin

 

Bibliographie / Webographie
Laurent DOUZOU, thèse « Le mouvement de résistance Libération de zone sud. La résistance comme objet d’histoire et enjeu de mémoires »,
Régis LE MER, « Imprimeurs clandestins à lyon et aux alentours »,
Émission Les Dossiers de l’écran 24/09/1974 « la presse et l’édition clandestines sous l’occupation »
Texte de Bernadette RAMILLIER « La guerre de 39-45 vécue à Feyzin », 2014
19 avril 1975 : exposition consacrée à la presse clandestine de la résistance dans le hall du Progrès, 85 rue de la République et article du Progrès 17 avril 1975
Charles ROCHE, « Un Tonkin peut en cacher un autre », ed Aleas, 2006
Georges SAUNIER, « Un imprimeur des journaux de la résistance : Joseph Martinet », 1995, juin 1994, in revue Rive Gauche n°129, p4-6,